La France officielle n'est pas en conformité de sentiments avec l'âme de la nation. L'acuité même de la crise actuelle indique une divergence profonde entre le régime des lois en vigueur et la tendance de plus en plus générale des esprits. Sous les divers éléments de la lutte sociale, il est facile de démèler l'action surnaturelle de Marie, qui brise peu à peu la puissance infernale de son ennemi.
L'enfant prodigue, que la mère remène au foyer paternel, qui reçoit son pardon, qui se montre docile, respectueux, reconnaissant, est considéré comme l'héritier de la famille. Il est traité comme tel en conséquence. Telle sera la destinée de la France redevenue chrétienne.
Marie, dans ses apparitions, a fait, pour ainsi dire, le tour de son royaume. Comme un général d'armée, elle a voulu se rendre compte par elle-même de la situation. Elle a inspecté son territoire et ses sujets. Elle s'est manifestée dans la capitale, au sud-est à La Salette, au sud-ouest à Lourdes, au nord-ouest à Pontmain. Elle apparaît enfin, comme une reine, au centre de ses Etats sur cette terre du Berry, que ne foula jamais le pied de l'étranger. Le fait se passe a Pellevoisin, en 1876, au lendemain de la consécration de la France et du Monde catholique au Sacré-Coeur.
Marie se montre à une phtisique, condamnée par trois médecins, à une mourante, Estelle Faguette, dont les membre sont en partie paralysés, et pour laquelle on a deux fois déjà préparé un linceul. Le démon agite sa couche et la menace. Marie se révèle, le chasse et annonce à la moribonde qu'elle sera guérie le samedi suivant. La prophétie se réalise. Estelle reçoit comme une poitrine neuve et une santé admirable. Il y a quinze apparitions, du 14 février au 8 décembre, en l'honneur des quinze mystères du rosaire. Les cinque premières sont relatives à la guérison de la voyante et la préparent, avec les trois suivantes, à sa mission publique. Les sept autres ont pour objet cette mission, qui est la gloire de Marie par la révélation et la diffusion du scapulaire du Sacré Coeur.
Toutes les paroles de la Sainte Vierge sont remarquables et d'une profondeur théologique qui sert de preuve intrinsèque au fait miraculeux de ses manifestation.
Les premières apparitions se produisent au milieu de la nuit, et les dernières en pleine clarté du jour.
Pour en comprendre la portée réelle et le sens prophétique, il faut voir dans Estelle l'image de la France.
Le premier acte de Marie, rentrant dans son domaine, dont elle a parcouru les frontières, est de mettre dehors son ennemi. Satan a tout souillé; il a fait de la France une phtisique dont le cerveau est obscurci par les fausses doctrines, dont la poitrine est corrompue par des affections malsaines, dont les mains sont liées par des lois impies, dont le souffle délétère porte les germes de la mort dans tout l'univers, dont le regard affaibli ne voit plus les clartés du ciel, les blanches aurores de la foi, les midis étincelants de la sublime espérance, ni les couchers du soleil radieux sur les nuages empourprés, qui annocent de si beaux lendemains. L'ennemi est là qui veille sur la couche de la France agonisante, dont il a paralysé les membres et les forces.
Marie se montre à Pellevoisin: "Que fais-tu là?" dit-elle à Satan. "Ne vois-tu pas qu'elle porte ma livrée et celle de mon Fils?" N'y a-t-il pas, depuis Clovis et saint Rémy, quatorze siècles que la France appartient à Jésus-Christ?
Le démon est bouté dehors par la Vierge immaculée, comme le fut l'Anglais par la vierge de Domrémy! Débarrassée des chaînes dont il l'avait garottée, la France revient à la santé, à la prière, aux traditions séculaires de la foi. Reconnaissante comme Estelle, elle court s'agenouiller à Montmartre, à Paray, à Lourdes, à Pellevoisin. Elle se met à publier dans l'univers l'amour du Sacré-Coeur et la gloire de Marie, sa protectrice et sa reine.
"Les trésors de mon Fils sont ouverts." Les grâces spirituelles et temporelles tombent sur les âmes et la nation comme une ondée bienfaisante à laquelle rien n'échappe comme les rayons d'une céleste lumière qui transforme, vivifie et embellit tout ce qu'elle touche.
Au lendemain de la fête de la nativité, le 9 septembre 1876, Marie apparaît à Estelle, ou pour mieux dire à la France, portant sur sa poitrine le Coeur de son Fils. A la quinzième manifestation, elle le lui présente des deux mains et lui dit, en souriant: "Lève-toi et baise-le!"
A Paray, Jésus avait demandé le culte de ce coeur admirable. A Pellevoisin, Marie fait de ce coeur une livrée ostensible, un signe protecteur qu'elle désire mettre sur chacun de ses enfants à qui elle répète ces mots: "Je serai invisiblement près de toi... Ne crains rien... je t'aiderai!"
Ce scapulaire que la Reine du ciel nous a révélé et dont elle a demandé la diffusion, repose déjà sur la poitrine de 8.000.000 d'associés. Léon XIII s'en est couvert les épaules, et, par son ordre, le 10 juillet 1900, la Sacrée Congrégation des Rites l'a approuvé pour tout l'univers et enrichi d'indulgences.
La France est donc appelée à propager le signe ostensible de la dévotion au Sacré-Coeur, à travailler à la conversion des pécheurs, à remplir le rôle de missionnaire et d'apôtre; elle recevra dans ce but une assistance spéciale; Marie sera invisiblement près d'elle pour l'aider à publier sa gloire.
Elle ne met plus de bornes à ses largesses. Elle nous livre le coeur même de Jésus. C'est lui qui doit battre dans le coeur de la France guérie et ressuscitée. C'est lui dont l'image doit être la livrée de tous les Français, c'est l'Action Catholique avec toutes ses espérances!
La couronne de roses, emblème des vertus de Marie, s'épanouira entière, complète, comme une auréole parfumée, divine, où nous aimons à contempler le rayonnement de sa splendeur, le charme de son regard, l'agrément de son sourire, à respirer l'arôme de ses vertus, à suivre l'irrésistible attraction de sa beauté et de son amour.
Marie ne saurait nous donner davantage. Elle nous livre la source de tous les dons et de sa propre puissance, le coeur même de son Fils. Ne convenait-il pas que cette dévotion, réservée aux derniers temps, nous fût communiquée et transmise par ses mains? N'est-ce pas elle qui a présenté le Rédempteur au temple, au monde, au Père céleste?
Tous ceux qui ont lu et médité les paroles de la Sainte Vierge, dans les quinze apparitions de Pellevoisin, se rendent compte que je n'imagine rien dans l'exposition trop succincte du brillant avenir, annocé à la France.
De: "Notice sur Notre-Dame de Pellevoisin" par Monseigneur P. Bauron, Protonotaire Apostolique, Lyon, 25 mars 1904.
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