dimanche, février 04, 2007

Jeanne Vergne et sa mission prophétique et réparatrice pour la France et l'Eglise

Jeanne Vergne est une âme mystique, trop peu connue malheureusement, porteuse par la grâce de Dieu de remarquables lumières sur notre temps et pour l'Eglise dans sa vie présente. Elle mourut voici 50 ans (ce text fut écrit il y a 30 ans! N.d.l.R.), et après ces années d'oubli, ce cinquantenaire nous donne, providentiellement, l'occasion de la désigner à l'attention des âmes soucieuses d'un approfondissement de leur vie intérieure et de cet esprit ecclésial si nécessaire aujourd'hui.
Fille de menuisier, Jeanne naquit à Argentat, le 3 décembre 1853; la famille, bien que modeste et pauvre, était très chrétienne; Jeanne y reçut une excellente éducation et un sens aigu du sacré, de la grandeur de Dieu.
Sa mère étant tombée malade en 1864, la fillette de dix ans dut quitter l'école et se placer comme ouvrière, pour contribuer aux soins de la maisonnée. Elle fit sa communion, dans de grands sentiments de piété, en juillet 1864.
Jeanne Vergne perdit sa mère le 15 août 1865, ce qui lui fut une rude épreuve. A peine quelques jours après ce deuil, elle se sentit éveillée en pleine nuit et vit tout à côté de son lit l'âme de sa mère qui demanda pour son repos une messe promise mais que la famille avait oublié de faire célébrer. Puis la vision s'effaça sans rien ajouter. Jeanne avait été impressionnée et fit en sorte, sans rien révéler de sa vision, que la messe promise fût dite rapidement. Cette apparition à l'enfant de 12 ans est la seule grâce un peu extraordinaire que l'on rencontre dans cette première partie de sa vie, mais elle indique déjà pour une part la vocation future que le Seigneur réservait à Jeanne.
Le père se remaria et s'établit un peu plus tard à Lyon; les enfants du premier lit moururent tous, sauf Jeanne et son frère Auguste, qu'elle chérissait particulièrement et qu'elle conseilla toujours avec sagesse.
Après quelques années laborieuses, Jeanne, dont la piété simple s'approfondit à l'école de la vie et dans la fréquentation à peu près régulière des sacrements, quitta sa famille et se rendit à Nancy, puis à Lille: nous ne connaissons rien de ces années, sauf le résumé que Jenanne en fit: "tiédeur dans la religion, ennui dans l'existence." Mais, grâce à certaines confidences qu'elle fit au prêtre qui la dirigea plus tard, nous savons qu'elle était très dévouée et s'occupait des pauvres et des malheureux.
A Lille, Jeanne - qui était demoiselle de magasin - fut courtisée par un fils de bonne famille qui désira vivement épouser cette jeune fille saine, sensée et active. A ces projets, la famille du jeune homme n'eut de cesse que les deux adolescents rompissent définitivement: finalement, le mariage n'eut pas lieu et Jeanne quitta Lille pour oublier; elle s'établit à Paris, 45 passage du Caire.
Ce chagrin d'amour la mûrit, il lui sembla que sa vocation n'était pas le mariage mais une forme de vie consacrée dont elle ignorait les formes. Sa piété s'accrut, avec un attrait tout particulier pour la dévotion aux Coeurs de Jésus et Marie; les premiers temps à Paris furent douloureux, mais Jeanne réagit avec fermeté; elle se consacra plus nettement à la prière et aux oeuvres de charité, malgré de violente tentations de découragement. Les relations qu'elle conserva avec son soupirant malgré l'échec de leur projet de mariage évoluèrent rapidement en amitié spirituelle très pure et profonde. Le jeune homme refusa de se marier. Il mourut peu après très pieusement.
Ce second deuil fut suivi, pour la jeune femme, d'une vision de l'âme de son ami qui réclamait des prières... Et alors, ce fut une succession d'apparitions d'âmes du Purgatoire (parents et amis) qui venaient demander à Jeanne le secours de sa prière et le don de ses souffrances pour leur soulagement et leur délivrance. C'est par cette intimité avec les saintes âmes du Purgatoire que Jeanne Vergne, la modeste ouvrière de Paris, entra dans cette voie mystique qui fut désormais la sienne. En même temps, son Ange Gardien commença aussi à se manifester à elle, l'instruisant, l'inspirant et tournant son coeur vers la France et l'Eglise: ce furent ses deux grandes lignes, ses deux grandes intentions de prière, et son extraordinaire mission prophétique et réparatrice.
Jeanne se sentait poussée à écrire, sous forme de poésies simples mais belles, ce que son âme recevait pour la France et l'Eglise. Le lundi saint 4 avril 1896, elle rencontra l'abbé de Bessonies, chapelain d'une église qu'elle fréquentait avec prédilection et régularité: Notre-Dame des Victoires. Il devint son directeur spirituel et travailla, à partir de 1897, à la publication des pages de vers écrites par sa pénitente, les faisant paraître dans 'Le Pèlerin' sous le voile nécessaire de l'anonymat. Ces publications ont suscité un grand courant d'espérance dans le petit peuple et une sorte de chaîne d'adoration et de prière mariale.
Jeanne Vergne menait sa vie humble et laborieuse d'ouvrière, et consacrait tous ses instants libres à la prière et au devoir de la charité envers les pauvres et les malheureux. Se trouvant à Notre-Dame de Paris à la fin de janvier 1896, elle entendit Jésus, parlant en son âme, lui dire:

- "O mon enfant, crois et Je te pardonne; Je t'inviterai à ce festin sacré quand sera venu le moment... sois sans crainte, souviens-toi que Je t'ai pardonné... Dis à ta patrie qu'elle revienne à Moi; et dans un temps, la France sera relevée glorieuse."

Dans la nuit de Noël suivante, elle entendit la Vierge lui dire:

- "Ta mère, en mourant, t'avait mise sous ma protection, mais toi, tu m'as longtemps! bien longtemps! oubliée... Quand tu étais une pauvre petite fille malhereuse, as-tu eu recours à moi comme tu aurais dû faire alors? Et pourtant, je t'ai protégée, en bien des circonstances, souviens-toi!"

Dès lors, les lumières et instructions célestes se multiplièrent; Jeanne crut entendre un jour la Vierge Marie lui demander d'être une victime pour la France; Jeanne fut un peu étonnée, mais acquiesça volontiers, et dès lors (1897) elle souffrit cruellement des maladies douloureuses que sont la néphrite et l'arthrite cardiaque.
Les grâces se multipliaient. Jeanne en a peu parlé, sinon à son directeur mais il mourut bien avant elle: nous savons qu'elles furent abondantes et diverses: prophéties de la guerre de 1914-18, visions du Sacré-Coeur, annonce de la restauration future de l'Eglise meurtrie et de la France pécheresse.
Le 24 avril 1898, elle vit à Notre-Dame des Victoires le Christ en majesté, vêtu de lumière et dominant comme un balcon où des émeutiers agitaient un drapeau rouge et écartaient violemment une grande croix. Cela dura quelque temps, sous un ciel gris et morne, et le ciel s'ouvrit finalement, découvrant Jésus qui écartait les fauteurs de trouble et leurs partisans, et fixait la croix très haut, dans le ciel azuré de la France; de nombreuses petites âmes venaient en pleurant de joie vers la croix restaurée, toute lumineuse.
Il semble que cette vision annonce, d'après les détails qu'elle fournit, un grand événement qui appartient encore à l'avenir de l'histoire de France.

Jeanne Vergne menait une vie simple et fervente, balisée par la souffrance et les pénitences: migraines effroyables et grandes maladies se succédaient sans répit; Jeanne se fit un devoir de jeûner perpétuellement et de pratiquer volontairement de rudes austérités. Elle faisait contrôler très régulièrement les grâces qu'elle recevait, et observait un très strict silence sur cela, sauf avec son père - l'abbé de Bessonies - et quelques amies. Elle n'avait pas d'extases, mais un état d'oraison voisin: quand elle priait, surtout en faveur des âmes du Purgatoire, elle devenait blanche et transparente comme l'albâtre.
Elle résumait ainsi la mission que, dès 1897, le Seigneur lui avait confiée:

- "maintenir une douce lueur d'espérance sur le seuil de l'avenir."

Très vertueuse, elle pratiquait, de façon héroïque, la modestie, la prudence, une immense charité qui la faisait s'oublier pour les autres. Elle passait inaperçue, car telle était la volonté de Dieu: l'enfouissement au creux silencieux de son divin Coeur. Jeanne a connue dans le plus grand silence des épreuves particulièrement douloureuses: trahison des amis les plus chers, calomnies, dédain etc.... Elle n'y a répondu que par la charité, par la prière et un immense pardon toujours offert!

En 1902, Jeanne Vergne reçut de la Vierge l'assurance qu'elle obtiendrait, en se rendant à Lourdes, sa guérison instantanée et totale; sur l'ordre de son confesseur, qui la dirigeait avec une rare prudence, elle fit le pélérinage de 1903 et y fut guérie aussitôt! Elle avait souffert 6 ans volontairement, par amour pour le Seigneur, pour la France et la Sainte Eglise. Sa vie devait désormais rendre un témoignage autrement apostolique.
L'Abbé de Bessonies fit publier les écrits de sa pénitente, sous le titre, combien évocateur! d' "Une Voix". L'ouvrage qui parut sous le couvert de l'anonymat, eut un seccès à peine concevable et un retentissement profond, réel, dans le clergé et dans le peuple croyant tant à l'étranger qu'en France.
Guérie par la Vierge, Jeanne multiplia austérités et pénitences volontaires, pour les âmes du Purgatoire et pour mitiger quelque peu la Colère de Dieu qu'elle voyait s'abattre sur la France pécheresse; elle recevait nombre d'annonces prophétiques sur la guerre à venir, sur les futures tribulations de l'Eglise et de la France. Sainte Jeanne d'Arc et même Thérèse de l'Enfant-Jésus (qui n'était pas encore canonisée), se manifestaient à elle, lui livrant les lourds secrets de l'avenir; Jésus et Marie ne cessaient de lui parler, en des locutions à ce point fréquentes qu'elles devinrent bientôt quotidiennes, après chaque communion.

En 1909, elle perdit son frère et le vit au Purgatoire; ayant prié pour sa prompte délivrance, elle le vit bientôt s'envoler vers le ciel. En 1910, elle effectua un second bref pélérinage à Lourdes, où elle eut une locution du curé Peyramale (le curé de Ste Bernadette). Puis en 1911, elle dut se rendre à Rome, où le pape saint Pie X la reçut en audience privée: c'était le 6 juillet. Le Saint-Père encouragea cette femme extraordionaire dans sa mission, il se fit envoyer un exemplaire d' "Une Voix", et adressa sa bénédiction apostolique à Jeanne, à la suite probablement de la lecture des texte inspirés qu'elle lui avait fait parvenir. Tous les prélats les plus pieux de cette époque ont voulu voir Jeanne Vergne et s'entretenir avec elle, notamment Mgr Coullié, Cardinal Archevêque de Lyon, en 1912, et d'autres encore.
L'abbé de Bessonies mourut en 1913, et Jeanne offrit sa prière et ses souffrances pour le repos de son âme; il vint la remercier du ciel le 1° août 1915. Pendant la guerre de 1914-18, de nombreuses âmes de soldats tombés au front vinrent demander à Jeanne le secours de sa prière; elle passa des nuits d'insomnie pour elles, et celles-ci lui annoncèrent à la veille de l'année 1918 que cette année serait celle de la victoire de la France, de la paix.
Après le conflit, Jeanne se rendit, dès que cela lui fut possible, à Lisieux pour y remercier Thérèse de l'Enfant-Jésus; ce fut le 3 mai 1923, quelques jours après la béatification de la petite carmélite, qui, en 1925 se montra à elle pour lui annoncer un mieux, pour lui parler de sa mission. En effet, après la guerre, Jeanne avait été prise de maladies mystérieuses et douloureuses, et le démon eut aussi son heure: il la rouait de coups et la molestait, lui infligeant de profondes plaies à la gorge et à la pointrine. En 1926, ce fut la paralysie qui l'immobilisa dans d'atroces, lancinantes souffrances; Jésus l'appelait sur la croix, à "souffrir par amour, par devoir, par reconnaissance." De grandes grâces sur le Sacré-Coeur et le Coeur de Marie consolaient, fortifiaient la pauvre malade: visions de ce mystère des deux Coeur unis, appels de Jésus portant une croix énorme et demandant aide et fidélité pour quelque temps etc. ...
Finalement, après avoir encore reçu des appels des âmes de Th. Gautier et Renan à la fin de l'année 1926, Jeanne Vergne succomba à la maladie et à l'épuisement le mardi 25 janvier 1927; elle était âgée de 74 ans! Dès sa mort, le corps redevint frais et beau, et, pendant trois jours, il resta incorompu...

Christian Rouvières
Centre BETHANIA - Chaussée de Waterloo 25, B-5000 Namur, "Rosa Mystica", Juillet et Août 1977

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