Marquis de la Franquerie, Camérier secret de Sa Sainteté Pie XII, Lauréat de l'Académie Française - Ouvrage couronné par l'Académie Française - Préface de S.E. le Cardinal Baudrillart de l'Académie Française - Chez l'Auteur: Chateau de la Tourre, par Condom (Gers). Nihil obstat Auxis die II Martii 1939. L. Soubiran, Censor deputatus. Imprimatur Auxis die II Martii 1939, Clergeac, v.g.
Déclaration de l'Auteur:
S'il nous est arrivé de nous servir de l'épithète de saint ou de martyr et si nous avons rapporté certains faits d'ordre surnaturel, conformément aux Saints Canons, nous déclarons n'entendre en rien préjuger du jugement de l'Eglise auquel nous nous soumettons d'avance entièrement.
PRÉFACE
L'Année 1938, qui vit le troisième centenaire du voeu de Louis XIII et de la consécration officielle de la France à Marie, vit aussi éclore à ce propos toute une littérature mariale, d'ordre historique et mystique. On rapprochait, on assimilait les circonstances politiques et sociales des deux époques. On représentait la paix extérieure et civile également menacées à trois siècles de distance, et les prières exaucées de 1638 donnaient force et confiance à celles de 1938. La bibliographie de ces écrits serait trop longue à détailler. Qu'on me permette cependant de mentionner deux ouvrages auxquels, avec un empressement particulier, j'ai consacré quelques pages de préface.
L'un, livre posthume du grand écrivain catholique, Edmond July, que la compagne de sa vie, si dévouée à sa mémoire et au règne de Marie, a voulu faire paraître à l'aube de cette année jubilaire. Il porte un tritre tout frémissant, en ces temps affligés qui sont les nôtres, du désir et de la soif des hommes: Notre-Dame de Bonheur. Et déjà, autour de cette appellation, de cette invocation, se groupent des âmes avides de demander au Ciel ce que la terre, de plus en plus, leur refuse.
Le second de ces ouvrages: Notre-Dame des Victoires et le voeu de Louis XIII a pour auteur M. l'Abbé Louis Blond qui d'après des documents originaux, a étudié en historien, en prêtre, en "chapelain" le rôle de l'illustre basilique et du couvent des Augustins déchaussés, dits Petits-Pères, dans les origines de ce voeu.
Et voici qu'on me demande, - au risque que je me répète, une troisième introduction. Voici que s'ajoute une dernière gemme, - et non des moins billantes, - à celles dont la France catholique vient à nouveau de couronner Marie.
Cet ouvrage s'intitule: La Vierge Marie dans l'Histoire de France, et a pour auteur M. André de la Franquerie, le même historien mystique à qui nous devons déjà: La Mission divine de la France.
Historien mystique, je dis bien, soit que l'on prenne ce mot de mysticisme dans son sens proprement théologique, ou dans ce sens vague que lui donnent aujourd'hui certains écrivains et penseurs; n'entend-on pas, par exemple, parler à tout propos de mystique communiste? Au fond, la seule distinction qui compte, c'est celle qui se fait entre matérialisme et spiritualisme. Toute science peut être envisagée, enseignée sous ces deux aspects. La mystique communiste, toute mystique qu'elle se dise, comporte une conception de l'histoire uniquement matérialiste, limitée au seul point de vue économique, bassement économique, aux seuls besoins charnels, commandant toute la marche des événements. Non, l'histoire de l'humanité n'est pas exclusivement celle de ses entrailles, celle de sa faim, celle de sa soif, l'histoire de ses instincts matériels, plus ou moins intempérants ou déchaînés.
En face d'une telle doctrine, M. de la Franquerie représente celle du spiritualisme, non pas seulement du spiritualisme rationnel qui a certes droit de cité, mais d'un spiritualisme complet, intégral qui aboutit au surnaturel.
Au milieu du siècle dernier, dans son ouvrage intitulé: M. le Prince Albert de Broglie, historien de l'Eglise, l'illustre Dom Guéranger, après avoir fait justice des tendances naturalistes de l'époque, s'élève aussi contre une certaine école déiste, contre ceux qui, croyant à une cause première, croyant en Dieu, se refusent cependant à reconnaître, dans le cours des événements, les miracles de sa main.
Et il en vient à l'explication chrétienne qui, assurément, ne crie pas sans cesse et à tout propos au miracle, mais affirme que, dans le gouvernement ordinaire du monde, Dieu procède presque uniquement par le moyen des causes secondes, se laissant deviner plutôt qu'apercevoir et faisant parfois irruption, selon la magnifique expression de l'auteur, par un de ces divins coups d'état qui manifestent ses volontés, non seulement à la génération témoin de la crise, mais à celles qui doivent suivre.
Si quelqu'un, animé d'une foi ardente, sait reconnaître dans l'histoire ces divins coups d'état, c'est assurément M. de la Franquerie. Il faut même dire davantage. Ce livre, La Vierge Marie dans l'histoire de France, ce n'est en somme que l'histoire de ces coups d'état per Mariam, dans notre pays. Ce sont, répondant à la piété, à l'amour du peuple français et de ses rois, les interventions multipliées de la Vierge pour notre salut. Tel est l'unique sujet du livre, dépouillé de toutes contingences environnantes, de tous événements intercalaires. Il s'ensuit une atmosphère qui peut paraître sursaturée de surnaturel et comme un peu difficile à respirer pour certains chrétiens, lesquels, bon gré mal gré, appartiennent à une époque qui a inventé, - qu'on me permette ce symbole, - le poumon d'acier.
Mais les interprétations de l'auteur n'ont-elles pas trop souvent recours au miracle? Ne nous donne-t-il pas dans ces pages quelque légende dorée de Notre-Dame de France?
Assurément, M. de la Franquerie est un grand croyant, un croyant fervent, l'esprit toujours tourné vers l'explication la plus surnaturelle. C'est une de ces âmes essentiellement reconnaissantes qui reçoivent tous bienfaits et tous bonheurs de la main de Dieu. Il n'est point de ceux dont on peut dire: oculos habent et non videbunt; aures habent et non audient. On tourne les pages, on s'étonne, on se demande: est-ce possible? Et puis le regard descend au bas de ces pages, vers d'abondantes références, vers des lectures innombrables, vers les sources, vers une érudition de première main. Tout est appuyé, étayé. Versé dans la connaissance des sciences juridiques, de ces sciences politiques, de ces sciences auxiliaires de l'istoire, art, archéologie, épigraphie qu'enseigne l'Ecole du Louvre, héritier au surplus d'une tradition savante et littéraire, - son grand-père ne fut-il pas l'un des fondateurs de la Société de l'Histoire du Vieux Paris et de l'Ile de France? - M. de la Franquerie est d'abord un historien soumit aux documents. Pouvons-nous, sans trop de fantaisie de langage, affirmer que ses envolées comportent vraiement ce qu'on appelle en style aéronautique, une base aérienne?
A côté des faveurs célestes prodiguées à notre pays et dont la somme ainsi présentée ne laisse pas que de nous éblouir, quelque chose encore surprend dans ce récit.
Faut-il le dire, quitte à être désavoués par ceretains contempteurs excessifs de la nature et du coeur humain, lesquels veulent qu'il ne soit jamais parlé à l'homme que de ses fautes, que de ses insuffisances pour l'enfoncer dans toujours plus d'humilité ou même de honte? L'homme, chargé de tant d'hérédités dès sa naissance, a besoin aussi d'être relevé, soutenu, par des bras qui se tendent; il a besoin de réconfort, d'approbation, - sans qu'il soit porté atteinte pour cela à la doctrine catholique du "mérite" humain. On peut, en tout cas, se permettre vis à vis de la collectivité une louange, voire une admiration qui, s'adressant à tous, ne comporte pour chacun, que le bienfait de l'encouragement, sans risque d'infatuation personnelle. Exaltez les vertus communes d'un peuple, vous avez toutes chances de faire monter jusqu'à elles celles de l'individu.
Cela pour en arriver à dire que nous devons aussi à M. de la Franquerie un étonnant tableau, à travers les âges, un éclatant et merveilleux bouquet des vertus religieuses et de la piété mariale en France. Admirable foi que celle de notre peuple et non moins admirable la façon dont il la sut traduire! C'est le flux et le reflux incessant, un mouvement entraînant l'autre, de la nation qui invoque et du Ciel qui exauce. Vision d'espérance pour le présent et pour l'avenir, celle d'une telle piété imprégnant à ce point la vie publique et privée de nos ancêtres! Nous nous sentons avec ce passé d'indestructibles attaches; nous devinons partout dans notre sol, en dépit de tant de ravages, comme un réseau serré et continu de profondes racines, toujours prêtes à reverdir. Plus encore; malgré tant de divergences individuelles, nous nous sentons toujours unis, toujours communiquant entre nous par ces racines. Voulut-il nous montrer autre chose l'Eminentissime Cardinal Pacelli lorsque, le 13 Juillet, prononçant à Notre-Dame de Paris son sublime discours sur la Vocation chrétienne en France, il désigne comme des astres à notre ciel, comme une relève ininterrompue à travers notre histoire, quelques-uns de nos plus grands saints: Rémi, Martin de Tours, Césaire d'Arles, saint Louis, Bernard de Clairvaux, François de Sales, Benoît-Joseph Labre, et ce groupe de vierges, formé de Geneviève, de Jeanne d'Arc, de Thérèse de Lisieux et de Bernadette? En deux mots, Gallia sacra, le Légat du Pape, - Pape lui-même aujourd'hui, - fit tenir toute cette sainteté Française.
Moi-même, pour ma modeste part, quand j'ai dit: la Vocation catholique de la France et ses manifestations à travers les âges, c'est par le rappel de nos fidélités, plus que par celui de nos fautes, que j'ai essayé d'exhorter les âmes.
Qu'on ne reproche donc pas à M. de la Franquerie de nous dépeindre, ou peu s'en faut, une seule face de l'histoire. Pas plus que nous, il n'ignore l'ombre des contre-parties. Seulement elle est hors du point de vue lumineux et vivifiant qu'il a choisi. A lire ces pages, on pense mangré soi, sans chercher d'assimilation stricte, à ces dix justes réclamés par Dieu pour le salut d'un peuple et que, toujours, aux heures critiques de notre histoire, il a trouvés chez nous avec une surabondance qu'indique celle des grâces concédées.
Ah! qu'il avait donc raison le Pape Pie XI lorsque, proclamant, en 1922, Notre-Dame de l'Assomption, patronne principale de la France, il rapprocha ces deux termes: royaume de France, royaume de Marie, faisant un émouvant historique du culte de la Vierge dans notre pays, rappelant, entre autres faits, que, dès le XIIIe siècle, notre Sorbonne proclamait Marie conçue sans péché, mentionnant nos trente-cinq églises cathédrale placées sous le vocable de Notre-Dame, évoquant, comme une réponse du Ciel à la piété française, les apparitions et les miracles de Marie sur notre sol, saluant enfin les chefs de notre nation, à commencer par Clovis, tous défenseurs et promoteurs de cette dévotion envers la Mère de Dieu.
De fait, une telle dévotion resta toujours éclatante et pure dans l'âme de nos rois, malgré tout ce que leur vie put compter de vicissitudes et de défaillances. Leurs supplications, leurs craintes, leurs espoirs, leurs douleurs, leurs joies, leurs actions de grâces, leurs repentirs passent par le coeur maternel de Marie pour s'élever jusqu'à Dieu. Le signe sensible en sera les innombrables sanctuaires élevés à sa gloire qui couvrent notre pays et qui n'ont point d'égal ailleurs, tout au moins par la quantité. Lisez M. de la Franquerie et vous apprendrez l'origine royale ou princière de tant de fondations, pèlerinages, usages et dévotions locales, encore en vigueur aujourd'hui, et qui ont pour objet le culte de Marie. En vérité, existe-t-il un peuple au monde qui ait tant mêlé Marie à sa vie nationale, politique et morale? La géographie et l'archéologie sont là pour en témoigner.
Et ne serait-ce là que de l'histroire ancienne? Pas plus tard qu'avant hier, je recevais un livre de M. l'abbé Alphonse David, intitulé: Les litanies de Notre-Dame de la Banlieue, litanies faites des noms de quarante-trois paroisses récemment construites autour de Paris. Oui, quarante-trois nouvelles Notre-Dame érigées par la foi les angoisses et les aspirations contemporaines: Notre-Dame du Calvaire, Notre-Dame de Consolation, Notre-Dame de Pitié, Notre-Dame de l'Espérance, Notre-Dame de la Paix, Notre-Dame de la Reconnaissance, Notre-Dame de Toutes Grâces, Notre-Dame Protectrice des Enfants, etc.; ou bien portant de symboliques et poétiques appellations: Sainte-Marie aux Fleurs, Sainte-Marie des Vallées, Saint-Marie des Fontenelles, etc....
Oui, Marie est toujours patronne principlae de notre pays. Même dans la France la plus moderne, elle a gardé sa couronne et son sceptre. Que ce soit pour nous motif d'invincible confiance! Si notre amour ne déchoit pas, s'il sait rester fidèle, celui de Marie y répondra comme par le passé.
Le but de ces pages est de nous le démontrer. L'auteur, au prix d'un considérable travail, a voulu, selon qu'il l'esprime dans son avant-propos, retremper dans les leçons de l'histoire nos courages et nos espoirs ébranlés.
Remercions-le, félicitons-le, comme nous remercions et félicitons tous ceux qui, aux heures graves que nous vivons, savent tourner vers la foi et le retour aux traditions chrétiennes, seul salut de l'humanité, les regards, les esprits et les coeurs de leurs contemporains.
+ Alfred Card. Baudrillart de l'Académie française
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