Marie et les premiers Capétiens
Marie connaissait le culte profond que Lui rendait, depuis des générations, la troisième branche de la Race Royale. Déjà, au temps des Mérovingiens, Hildebrand, frère de Charles Martel et chef de la lignée des Capétiens, avait mis sa confiance dans la Vierge, lors d'une bataille contre les Barbares, et sa foi ayant été récompensée par la victoire, avait tenu à laisser un témoignage de sa reconnaissance par la fondation de N.-D. d'Aubune non loin d'Avignon.
Un siècle et demi après, en 888, c'est Eudes qui, venant à Reims au-devant des envoyés du Roi Arnoul, fils de Carloman, recevoir la couronne qu'ils lui apportent de la part de leur maître, ne veut la mettre sur sa tête que dans l'Eglise de N.-D. de Reims où le peuple l'acclamera Roi, pour bien manifester qu'il ne tient son pouvoir que de Marie (1). Un peu plus tard c'est un autre Roi de cette branche, Raoul, qui accorde de précieuses immunités à l'Eglise de N.-D. du Puy (2).
Enfin, Marie associe Hugues le Grand, père de Hugues Capet, à la guérison miraculeuse du Mal des Ardents qui ravage l'Ile de France. En effet, seuls, furent sauvés les malades qui vinrent se réfugier dans l'insigne basilique Notre-Dame de Paris, et y restèrent un temps suffisant à l'abri de la contagion. Marie rendait la santé, et le prince franc voulut prendre à sa charge non seulement la nourriture de tous ces malheureux, mais encore pourvoir à tous leurs autres besoins pendant tout le temps que dura la terrible épidémie. (3).
C'est ainsi que Marie préparait la troisième branche Royale à règner en l'associant à son oeuvre de pitié et de miséricorde. Aussi en 987, quand les Carolingiens s'étant montrés inférieurs à leur tâche, le choix divin se parta sur Hugues Capet, la Reine du ciel tint-elle à ce que cette élection eut lieu chez Elle, dans un cloître qui lui était consacré: à Mont Notre-Dame. - Quel admirable symbolisme dans ce nom! - Marie venait de présider au choix divin. Pouvait-elle mieux faire pour son Peuple de prédilection et pour la Race royale Elle-même que de placer sur le trône la branche dont Saint-Louis devait sortir pour illuminer le Monde de ses vertus et incarner le modèle admirable du Roi très chrétien.
Dès lors, les Capétiens aimèrent à appeler Marie: l'Etoile de leur Royaume!
"L'Eglise Notre-Dame (de Paris) était l'objet et la prédilection de ces Princes, et la première dans leur estime entre toutes les églises du Royaume. Son cloître était l'école première où ils aimaient à placer les Enfants de France, comme sous l'oeil et dans le sein de Marie, qu'ils estimaient une mère meilleure que toutes les mères selon la nature. Là, les Héritiers du Trône, étaient formés aux vertus chrétiennes, initiés aux lettres humaines et aux connaissances qui convenaient à leur position, et les charmes de cette première éducation leur demeuraient dans l'âme toute la vie come un doux souvenir. (4). C'est ce que nous apprend Louis VII dans une Ordonnance de l'année 1155 par laquelle il accorde l'exemption de redevances à l'Eglise N.-D. de Paris "dans le sein de laquelle comme dans une sorte de giron maternel, Nous avons passé les moments de notre enfance et de notre première jeunesse, pour cette église spécialement chère à nos prédécesseurs..." (5)"
C'est dans les spacieuses enceintes de cette grande basilique qu'ont eu lieu dans tous les siècles les baptêmes, les mariages et les funérailles des souverains. C'est là qu'au retour de leurs exploits guerriers nos Rois sont toujours venus remercier Dieu et Marie du succès de leurs armes, et se sont plus en cent autres circonstance à Lui offrir un des plus grands hommages qui puissent Lui être faits sur cette terre: l'hommage DU PLUS BEAU ROYAUME APRÈS CELUI DU CIEL." (6).
A la mort de Hugues Capet, certains seigneurs voulant refuser la Couronne à son fils, Robert, il fut décidé qu'un combat en champs clos trancherait le débat. Marie intervint encore pour assurer l'application du CHOIX DIVIN et de la Loi Salique. Au Compte d'Anjou, qui devait combattre pour la défense des droits du Roi légitime, la Reine confia une relique précieuse entre toutes que conservaient pieusement les Rois de France depuis qu'elle était entrée en leur possession: la ceinture de la Vierge, donnée par l'Impérarice de Constantinople, Irène, à l'Empereur Charlemagne; le champion du sang Royal s'en ceignit, comme d'une cuirasse protectrice; sa confiance ne fut pas trompée: la ceinture de Marie lui assura la victoire en même temps que le maintien des Capétiens sur le trône où Marie les avait placés. (7).
Robert le Pieux n'eut plus de compétiteurs et put ainsi monter sur le Trône. Pendant les trente-cinq ans de son règne il fit tout ce qui était en son pouvoir pour manifester sa reconnaissance à Marie: pose de la première pierre de N.-D. de Longpont, fondation de la collégiale de N.-D. de Melun; reconstruction de N.-D. de Bonne Nouvelle d'Orléans; construction par la Reine Berthe de N.-D. de Fresnay et de N.-D. de Ségrie; reconstruction par la reine Ermengarde, seconde femme du Roi, de N.-D. de Talloires, etc.... (8) Enfin, voulant par une manifestation éclatante de son amour pour la Reine du Ciel contribuer à Lui rendre hommage, le 8 septembre 1022, sous le nom d'Ordre de Notre-Dame de l'Etoile, il relève l'ordre fondé par Charles Martel après la bataille de Poitiers, imposant à tous les Chevaliers qui en seraient membres la récitation quotidienne de cinquante Ave Maria. Cet ordre devint le prototype de tous les ordres qui furent fondés dans la suite. (9).
Tant de piété ne devait pas rester sans témoignage de bienveillance de la part de Marie. Alors que les Rois de France guérissaient miraculeusement les écrouelles après leur sacre (10), Robert le Pieux eut le privilège exceptionnel de guérir miraculeusement d'autres maladies: pendant le carême qui précéda sa mort (1031), le Roi visita les malades, et notamment les lépreux, il leur baisa la main, les toucha et les guérit en faisant le signe de la croix. C'est ce qu'affirme le moine Helgand, son historien (11).
Le Roi aimait à composer des hymnes; certaines ont eu l'honneur d'être adoptées par l'Eglise, entre autres "l'Ave Maris Stella".
Son fils, Henri I, fait acte de royale bienfaisance en faveur de N.-D. d'Etampes en 1046 et deux ans plus tard en faveur de N.-D. de Chartres dont la nouvelle basilique vient d'être consacrée. Il s'en déclare l'avoué et le protecteur. (12).
Philippe I, le jour de son sacre, 22 Mai 1059, fête de la Pentecôte, signe une ordonnance en faveur de l'Eglise N.-D. de Reims et des églises et abbayes de ce comté et voulut être enterré dans un monastère dédié à Marie: N.-D. la Fleury à Saint-Benoît sur Loire (13). C'est sous son règne que le Pape français Urbain II vint en France pour prêcher la Croisade. De N.-D. du Puy, le 15 Août, il convoqua le Concile de Clermont. C'est là, sous l'oeil de Notre-Dame du Port, qu'il enflamme les coeurs français et les entraîne à la délivrance du Saint Sépulcre (14). Le Roi favorise la croisade dont son frère, Hugues de Vermandois, devient l'un des chefs. Marie ne pouvait pas être étrangère à ce grand mouvement de foi et d'enthousiasme qui, parti de France, entraîna le reste du monde chrétien.
Louis VI le Gros voulant châtier l'insolence de Thibaud IV, Comte de Chartres, par respect et dévotion pour N.-D. ne veut pas entrer dans la ville en guerrier, mais en pèlerin; en souvenir de son beau-frère, Charles le Bon, Compte de Flandre, assassiné à Bruges, il fonde l'abbaye de N.-D. de Chaalis qui grâce à ses libéralités et à celles de ses successeurs, devient l'une des plus importantes du Royaume; il donne à l'abbaye de Saint-Benoît sur Loire la chapelle de N.-D. de Lépinay en 1130 et la même année de concert avec la reine, Adélaïde de Savoie, achète le monastère et l'église Sainte Marie de Montmartre, y installe les bénédictins et veut que cette chapelle soit consacrée à Marie. (15).
C'est l'époque des grandes fondations monastiques: Cluny fondé par Guillaume le Pieux duc d'Aquitaine en 910, est en pleine gloire. Saint Bruno donne naissance à la Chartreuse; Robert d'Arbrisselles à Fontevrault; Norbert aux Prémontrés; Saint Etienne à Grandmont; Saint Robert et Saint Jean Gualbert à plusieurs autres congrégations; enfin va surgir une nouvelle branche bénédictine qui va restaurer le véritable esprit de la règle primitive qui s'était relachée à Cluny. Citeaux avec Robert de Molesmes en 1098.
Au bout de quelques années, la nouvelle fondation, ravagée par une épidémie allait disparaître - tant le nombre des victimes avait été grand - lorsque parut celui que la Providence destinait non seulement à donner à Citeaux une incomparable gloire et une prospérité sans égale, mais encore à illuminer le monde de ses lumières et de ses vertus: Saint Bernard, qui se présenta au monastère avec les trente compagnons qu'il avait convertis et amenés à la vie religieuse. Trois ans après, il était nommé abbé d'une nouvelle fondation: Clairvaux et le développement qu'il allait donner à son Ordre fut tel que, de son vivant même, son abbaye, à elle seule, compta 68 filiales réparties en France, en Angleterre, en Allemagne, en Italie et en Espagne et que très rapidement l'Ordre devait peupler le monde de ses couvents.
L'influence du saint Abbé s'étendit sur les autres branches bénédictines: il obtint la réforme de Saint Denis avec Suger et de Cluny avec Pierre le Vénérable. Il rappelle le clergé à sa mission dans son sermon "De conversione ad clericos"; les évêques sont morigénés dans son traité "De moribus et officio episcoporum". Il intervient auprès de Louis VI le Gros et de Louis VII le Jeune, Rois de France. Il termine le schisme des antipapes Anaclet II et Victor IV en faisant rentrer ce dernier sous la juridiction d'Innocent II. Son disciple, Bernard de Pise, montant sur le Trône Pontifical, sous le nom d'Eugène III, lui donne l'occasion d'écrire son admirable traité "De consideratione" sur les devoirs de la Papauté, ouvrage qui deviendra le livre de chevet des Papes. Son action s'excerça jusqu'en orient: Hugues de Payus, fondateur des Templiers, ayant demandé son appui à Saint Bernard, celui-ci lui adresse le "De laude novae militiae"; puis, à la mort de Foulques, roi de Jérusalem, en 1143, il donne d'éminants conseils à la Reine Mélisende pendant la minorité du jeune Baudouin II. Enfin, après la prise d'Edesse qui menaçait le Royaume Chrétien de Jérusalem, convoqué à Vezelay, il y lut la Bulle Pontificale prescrivant la Croisade, et, par son discours enflammé et sa prédication, non seulement en France mais en Allemagne, il entraîna à la Croisade Louis VII, Roi de France et Conrad III, Empereur d'Allemagne. Il obtint même des concours jusqu'en Pologne et en Danemark. Contre l'hérésie, son action ne fut pas moins efficace, notamment contre Pierre Abélard, Arnold de Brescia, les Henriciens d'Albi et les néo-manichéens de Cologne et Chalons. "Il avait ce tact prompt et sûr, ce sens mystérieux de la piété et de la vérité qui découvre au premier abord les plus légères déviations de l'enseignement catholique" écrit le P. Ratisbonne.
Mais, par dessus tout, Saint Bernard fut le grand chantre et le grand théologien tout à la fois de l'amour de Dieu et des prérogatives de la Vierge. Il démontra que, parce qu'Elle est Mère de Dieu, Marie a reçu "la plénitude de tout bien"; que cette plénitude fait notre richesse, car "pleine de grâce pour Elle-même, Elle est pour nous surpleine et surabondante", la médiatrice et la dispensatrice de toute grâce: "la volonté de Dieu est que nous ayons tout par Marie... Le Fils exaucera sa Mère, et le Père exaucera son Fils; mes petits enfants, voilà l'échelle des pécheurs; c'est là ma suprême confiance, c'est la raison de toute mon espérance" et, dans un transport d'amour confiant, il composa son touchant et sublîme "Memorare".
Saint Bernard mérita le titre de "Docteur aux lèvres de miel". Il lui était réservé de clore la glorieuse liste des Pères de l'église et d'être "aussi grand que les plus grands d'entre eux". Pie VIII, en 1830, lui conféra le titre officiel de Docteur de l'Eglise." (16).
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