L'amour de Marie inspire et illumine tout le Moyen Age
Depuis des siècles, les Rois de France et les Princes de leur Maison manifestent avec une telle foi et un tel éclat leur culte pour la Reine du Ciel et Marie les protège si visiblement que tout naturellement l'influence royale, jointe aux traditions de notre race et aux prédications de l'Eglise, fait rayonner magnifiquement ce culte marial non seulement à la Cour, auprès des Seigneur, mais dans le peuple lui-même et jusque dans les cours étrangères et chez les peuples voisins.
Un aperçu général sur l'intensité de ce culte dans notre pays montrera que très réellement le Royaume de France est essentiellement le Royaume de Marie.
Les Grands Seigneurs aiment à prendre pour cri de guerre le nom de Notre-Dame; tels les ducs de Bourbon: Bourbon Notre-Dame; les ducs de Bourgogne: Notre-Dame Bourgogne!; les Seigneurs de Sancerre: Notre-Dame Sancerre!
En Ile de France et en Champagne, cette "terre classique de la féodalité", la haute noblesse: les Garlande, les Melun, les Barres, les Montmirail favorisent de leur zèle tout ce qui touche au culte de Marie; les Comtes de Chatillon-sur-Marne construisent l'Eglise N.-D. à Villeneuve-le-Comte et l'abbaye de N.-D. du Pont aux Dames; les Comtes de Champagne surtout, avec les princes de Déols en Berry, surpassent tous les autres Seigneurs par leur zèle pour élever des sanctuaires à la Reine du Ciel: à Provins notamment ils fondent une collégiale et une église paroissiale en son honneur, dotent amplement plusieurs monastères d'hommes qui sont sous son vocable, si bien que peu de villes en France sont aussi riches en monuments dédiés à Marie. (1).
Si les Comtes de Champagne rivalisent de zèle avec les Princes de Déols pour couvrir leurs terres de sanctuaires ou de monastères dédiés à la Reine du Ciel, il en est de même des Ducs de Lorraine et de leurs cadets, les Comtes de Vaudémont-Lorraine. (2).
En Flandre et en Picardie la Maison de Bouillon et celle de Valois donnent l'exemple, la première en fondant N.-D. de Boulogne, la seconde en accordant à N.-D. d'Amiens les droits et la juridiction que les vicomtes exerçaient sur ses terres (3).
En Normandie, Guillaume le Conquérant et ses descendants fondent Sainte-Marie-de-Bonne-Nouvelle, Sainte-Marie sur Dives, Sainte-Marie-de-Jumièges, l'abbaye de Sainte-Marie-du-Pré à Rouen, Notre-Dame de Honfleur, etc. ... les Paynel favorisent celle de Hambye et de Sainte-Marie de Tombelaine. (4).
Dans le Perche, Rotrou II fonde N.-D. de la Trappe; en Anjou, Foulques Néra, N.-D. de Marchais; en Guyenne, la Maison d'Aquitaine, N.-D.-de-Talence et N.-D.-de-Lorette, la Famille de Bordeaux, N.-D. de Verdelais; en Gascogne, les Comtes d'Armagnac se déclarent hommes-liges de la Vierge et font d'importantes donations à N.-D. d'Auch, pendant que la noblesse favorise les nombreux pèlerinages marials de cette contrée (5). Plus au nord les Comtes et Dauphins d'Auvergne, les Comtes de Forez, les Ducs de Bourbon tiennet à gloire de se considérer comme les vassaux de N.-D. de Clermont; etc. ... Enfin, en Berry, parmi la haute noblesse les Seigneurs de Sully - branche aînée des Comtes de Champagne, - les de Lignières, de Graçay, de Mehun, de Culant, de Naillac, de la Trémouille, de Buzançais, de Palluau, de la Châtre, de la Prugne et de Pot se distinguent, mais surtout les princes de Déols, barons de Châteauroux, leur nom est symbolique puisque Déols veut dire Bourg-de-Dieu. Les princes de Déols, barons de Châteauroux, fondent non seulement les abbayes de N.-D. de Déols et de N.-D. d'Issoudun, mais une multitude d'autres, tellement qu'un vieil auteur a pu dire: "Il ne se trouve point de Maison en France qui ait tant fondé, construit, doté d'églises, d'abbayes, et de monastères que celle de Châteauroux (6).
En 917, Ebbon, prince de Déols et digne neveu de l'Archevêque (de Bourges Saint Géronce), éleva dans ces lieux le culte de la Sainte Vierge au plus haut degré d'honneur par ses actes et ses exemples... Il fonda l'Abbaye de N.-D. de Déols, en statuant, porte l'acte de fondation "que ce monastère était établie en l'honneur de la Bienheureuse Marie toujours Vierge; que les moines y vivraient selon la règle de Saint Benoît et que Bernon en serait abbé". Le pieux Abbon fit plus encore: en même temps qu'il fondait l'abbaye dans la capitale de son fief, il donna par acte solennel à la bienheureuse Mère de Dieu toute la principauté déoloise: "Je donne, dit-il, à Marie et aux apôtres Saint Pierre et Saint Paul toutes les choses qui m'appartiennet dans le Berry". Et l'auteur de la translation des reliques de St Gildas nous fait connaître que sa principauté s'étendait des rives du Cher jusqu'à la rivière de l'Anglin, et de la Gartempe en Poitou: c'est-à-dire comprenait tout le Bas Berry qui fut ainsi consacré par ce prince à la Sainte Vierge.
N.-D. de Déols acquit une grande célébrité: on venait la prier de toutes parts, et elle répondait à ces prières par des miracles. Malheureusement, en 935 et en 941, les Normands envahirent la contrée firent du monastère une grande ruine et tuèrent Ebbon lui-même. Mais Raoul Ier, son fils, répara tant de désastres; et non content de relever l'édifice renversé, il céda aux religieux son château de Déols, avec ses dépendances. (7). Le monastère reprit donc son ancienne splendeur; et il continuait à embaumer tout le pays de l'amour de la Sainte Vierge, lorsqu'en 991, Raoul II, jaloux de continuer la bonne oeuvre de son père et de son aïeul, trouvant les bâtiments de l'abbaye peu dignes de sa haute réputation et de l'affluence des pèlerins, fit tout rebâtir par les fondements, et en fit vraiment, selon l'exergue de son blason, le premier et le plus beau monastère du Berry "primum et nobilissimum monasterium".
Trois choses grandissaient la réputation de Notre-Dame de Déols et en faisaient pour le Bas Berry ce qu'est N.-D. de Chartres pour la contrée qu'elle domine, les miracles qu'opéraient la Sainte Vierge, les vertus de ses religieux et leur science vraiment digne des enfants de Saint Benoît. Les miracles qui s'opéraient à N.-D. de Déols étaient si fréquents qu'un des religieux les plus éclairés et les plus saints du XIIe Siècle, Hervé de Déols, ayant entrepris d'écrire ceux qui arrivaient de son temps, en a composé un notable volume, que nous avons encore et qu'on peut lire au CLXXXIe tome de la Patrologie..." Aussi N.-D. de Déols ne tarda-t-elle pas à n'être plus connue que sous le vocable de N.-D. des Miracles de Déols.
"C'était aux cloîtres de Déols que de grandes églises, et surtout l'église primatiale de Bourges, allaient souvent demander des évêques... Aussi, les Souverains Pontifes honorèrent-ils à l'envi N.-D. de Déols. En 1106, Alexandre II, forcé de quitter l'Italie d'où le pouchassait l'Empereur Frédéric Barberousse, se réfugia à Déols et y séjourna depuis le mois de septembre de cette année jusqu'au 1er Août de l'année suivante.... Pendant ce temps, Déols eut la gloire d'être comme une autre Rome, le centre du gouvernement de l'Eglise." (8).
Ainsi le Roi et la noblesse faisaient tout ce qui était en leur pouvoir pour étendre le règne de Marie, et le peuple répondait à leurs espoirs en multipliant les pèlerinages en l'honneur de la Vierge qui récompensait la foi de tous par des miracles toujours plus nombreux.
Monsieur Maurice Vloberg a très justement écrit que si "le Saint Sépulcre attirait en Syrie, la confession de Saint Pierre à Rome; Saint Jacques en Galice, l'attraction spirituelle de la Vieille France fut toujours vers un temple riche ou humble, de Marie. "France la douce" sortie toute blanche du baptistère de Reims, est née à la Foi chez une Notre-Dame." (9). En France, c'est Marie qu'on vient prier de tous les points du monde chrétien si bien que nos routes se couvrent de pèlerins de tous pays qui viennent aux grands sanctuaires de Chartres, de Reims, du Puy, de Rocamadour et de Liesse, en attendant que vienne l'heure de Lourdes, de la Salette, de Pontmain etc.... sans oublier le Mont Saint Michel où Marie aimait également faire des miracles.
Chartres demeure incontestablement le premier de nos pèlerinages tant par l'ancienneté de son origine - relatée au chapitre premier - que par la très grande dévotion de nos Rois et par les fréquents pèlerinages que les Reines de France allaient y faire afin d'obtenir un héritier pour le trône et une heureuse délivrance (10).
Reims est la basilique royale par excellence puisqu'elle est la basilique du Sacre et que c'est là, aux pieds de Marie qu'a été baptisé le premier de nos Rois et que la France est devenue chrétienne. En venant se faire sacrer, le Roi de France - à l'exemple du Christ qui avait pu vaincre Lucifer par la vertu de son Sacre - venait acquérir par l'onction de l'huile apportée spécialement du Ciel par le Saint Esprit lui-même - les lumières et les forces nécessaires à l'accomplissement de sa mission providentielle dont le but en fin de compte - est de vaincre Satan dans l'ordre temporel. C'est là qu'à chaque Sacre la France vient recevoir, de Jésus par Marie, son Roi et que le Roi reçoit la plénitude des bénédictions et des grâces divines, là qu'il devient le Fils aîné de l'Eglise et que le pontife le revêt de l'épée qui doit lui permettre de protéger l'Eglise; là qu'il acquiert le pouvoir non seulement de gouverner légitimement, mais encore celui de guérir miraculeusement certaines maladies telles que les scrofules et les écrouelles. (11). Aussi "quel chef-d'oeuvre a germé de son sol sous l'influence des idées du sacre! Vous avez vu l'admirable Basilique de Sainte-Marie de Reims. C'est une épopée de pierre. Elle a pour elle la majesté, la grâce, l'harmonie et la force de résistance. La poussée vers le ciel de ses voûtes en fait un monument plus qu'humain...
Force est d'y reconnaître le Sanctuaire Royal, la Basilique de la Monarchie Chrétienne... L'acte de foi en la Royauté de Jésus-Christ sur la France s'y affirme mieux qu'ailleurs" et aussi celui de la Royauté de Marie sur son royaume de prédilection. Dans cette magnifique dentelle de pierre, la scène la plus émouvante et la plus symbolique n'est-elle pas celle du porche central: Marie s'élève vers les cieux; à sa rencontre anges, saints, rois de Jessé viennent lui rendre hommage. Son Divin Fils la couronne Reine du Ciel et de la terre, Reine de tout l'Univers et c'est la longue suite des rois de France - de nos Rois - qui forme sa Cour... A Reims Marie aimait, dans cette magnifique basilique, à multiplier les miracles: protection des régions voisines contre la grêle, guérisons de boiteux, paralytiques, etc.... Ces miracle sont mentionnées par Flodoard et par les bénédictins dans leur Recueil des Historiens des Gaules et de la France. (11).
Depuis des siècles Le Puy était un des grands pèlerinages à Marie. Charlemagne y était venu. Eudes et Robert, Louis VII et Philippe-August aussi; tous avaient laissé des témoignages de leur royale munificence. A chaque règne de nouveaux privilèges étaient octroyés par le Roi, par égard et dévotion pour Notre-Dame, si bien qu'ayant bientôt accocrdé tout ce qui était en leur pouvoir et voulant manifester sans cesse leur confiance en Marie, nos Rois firent alors de riches donations: en 1134 Louis le Gros octroie toute l'enceinte et les remparts de la ville; Louis VII en 1146, pour supprimer tous les obstacles que pouvaient rencontrer les pèlerins sur leur route, défend de construire aucun fort depuis Aleth jusqu'à Montbrison, depuis l'Allier jsuqu'au Rhône, depuis Saint-Alban jsqu'au Puy et accorde à l'évêque la pleine autorité sur toute la ville. En 1211 et 1215, Philippe-Auguste donne le château Arson et d'autres domaines. Aussi conçoit-on qu'avant de partir à la Croisade Louis VII et Philippe-Auguste viennet mettre leur personne et leur royaume sous la tutelle de Marie au Puy (13). Les Souverains Pontifes, pour augmenter encore la renommée du pèlerinage et le nombre immense des pèlerins octroient de précieuses indulgences à la célébration du Grand Pardon de N.-D. du Puy. Ajoutons que l'un des grands évêques du Puy, Adhémar de Monteil fut l'âme de la première croisade et serait l'auteur de l'admirable "Salve Regina".
Rocamadour, dont l'origine remonte au temps où Marie vivait encore, fut le grand centre de ralliement pour ceux qui allaient à Saint Jacques de Compostelle. Les peuples de France, d'Italie, de Germanie, de Flandre et d'Angleterre s'arrêtaient toujours à Rocamadour pour se mettre sous la protection de la Reine du Ciel et Lui demander de leur venir en aide pendant leur voyage et de leur accorder le bénéfice de toutes les grâces spirituelles qu'ils étaient à même de gagner. C'est grâce au pèlerinage de Rocamadour qu'à l'exemple de la Trève de Dieu, fut instituée la trève de Marie: tous les pèlerins s'y rendant, pouvaient traverser les armées ennemies sans crainte et sans danger - tant le culte de Marie était répandu au Moyen Age et pendant la Guerre de Cent ans. Ce privilège fut peu à peu étendu à tous les pèlerinages de la Vierge.
Grâce aux Vicomtes de Turenne et à la Noblesse du Quercy qui se croisèrent en Espagne contre les Maures, Notre-Dame de Rocamadour étendit son rayonnement de l'autre côté des Pyrénées avec d'autant plus d'éclat que les Rois d'Aragon lui durent leur victoire contre l'Islam. On comprend dès lors les liens qui unissaient les pèlerinages de Rocamadour et de Saint-Jacques de Compostelle et les fondations de reconnaissances faites en Espagne par les Rois d'Aragon en l'honneur et au profit de la Vierge du Quercy. (13).
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